Metal Gear Solid V : The Phantom Pain est un épisode à part dans la saga MGS et c’est aussi un moyen pour son père, Hideo Kojima, de léguer la franchise aux fans. Si les fans attendaient tous une histoire dans laquelle Big Boss allait recruter et croiser la route des membres de Fox Hound – que Solid Snake affronte des années plus tard dans Metal Gear Solid – Hideo Kojima a – comme à l’accoutumé – trahi les fans et les joueurs pour au final leur faire « le plus beau des cadeaux ».
Si avec Hideo Kojima le jeu commence dès son annonce, il se poursuit une fois le jeu achevé. Dans un premier temps, les fans vont décortiquer les indices laissés ici et là par le maitre du teasing, ensuite ils vont vivre l’expérience du jeu et pour terminer, ils vont essayer de comprendre, créer des théories pour tenter d’expliquer l’inexplicable. C’est ce qui a de plus beau avec la saga MGS, la passion de la communauté Metal Gear / Kojima. Il y a beaucoup de théories passionnantes à lire, parfois elles sont farfelues, mais elles ne sont pas moins intéressantes. Nous pensons par exemple à cette théorie au sujet de Death Stranding qui serait Metal Gear Solid Zero. Bien évidemment, Death Stranding n’est pas Metal Gear Solid 6, mais le travail d’analyse de l’auteur n’en reste pas moins passionnante.
Pourtant, si la communauté Metal Gear / Kojima est passionnante par ses analyses, elle a ses dérives… Trois ans après la sortie de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, des fans sont encore convaincus que Big Boss est en pleine hallucination ou que Venom Snake est en réalité Gray Fox. C’est bien dommage, car leur obsession montre qu’ils n’ont pas compris la franchise et qu’ils sont passés à côté de l’expérience de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain. La fin de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain n’est pas ouverte à l’interprétation, elle est limpide.
Metal Gear Solid : De Big Boss à Venom Snake
L’histoire de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain s’ouvre en 1984 et se déroule chronologiquement après son prologue Metal Gear Solid V : Ground Zeroes, et avant Metal Gear premier du nom, sorti en 1987. Dans cet épisode, nous incarnons Venom Snake également connu sous le nom de Punished Snake. Il est le chef de l’unité mercenaire Diamond Dogs et revient sur le champ de bataille après neuf ans de coma dans un incident qui a également entraîné la perte de son bras gauche et d’un éclat d’obus encastré dans le côté droit de son front. Tout le long de l’aventure, le joueur doute de son identité, ce n’est pas le Big Boss qu’il connait. Des indices sur sa véritable identité émergent graduellement tout au long de l’histoire jusqu’à ce qu’il soit finalement révélé qu’il est en fait un ancien médecin de combat qui a subi une reconstruction faciale et un lavage de cerveau subliminal pour servir de double de Big Boss.
Le personnage de Big Boss est apparu pour la première fois dans Metal Gear (1987) où il a d’abord servi d’officier commandant de Solid Snake et de contact radio principal tout en servant aussi comme chef des forces ennemies. Dans ce premier opus, malgré sa défaite apparente, le jeu se termine avec un message de Big Boss qui fait vœu de vengeance contre Solid Snake après le générique de fin (procédé que l’on retrouve par la suite dans tous les épisodes de la franchise). A l’époque, rien n’indiquait que le personnage dans le Metal Gear original était censé être un double de Big Boss. Dans Metal Gear 2 : Solid Snake (1990), un appel radio mentionne une rumeur selon laquelle Big Boss a été mortellement blessé lors de la dernière rencontre avec Solid Snake dans le jeu précédent, pour être reconstruit avec des pièces cybernétiques.
Ce double de Big Boss fait une apparition mineure dans Metal Gear Solid V : Ground Zeroes en tant que médecin et compagnon d’armes anonyme. Sous son identité originelle de médecin de combat anonyme, il est employé par les forces privées Militaires Sans Frontières de Big Boss. Le visage du médecin n’est jamais entièrement montré, partiellement obscurci lorsqu’il est à l’écran, et sa voix est filtrée pour lui donner un ton plus grave que celui de Big Boss.
A la fin de Metal Gear Solid V : Ground Zeroes, il accompagne Big Boss à la Mother Base en hélicoptère après l’extraction de Ricardo Valenciano Libre et Paz Ortega Andrade d’une prison de la marine américaine à Cuba en 1975. Alors que le médecin enlève avec succès une bombe à retardement qui a été implantée à l’intérieur de l’abdomen de Paz, il ne remarque pas la deuxième bombe dans le ventre de Paz. Lorsque la deuxième bombe explose, le médecin protège Big Boss de l’explosion, ce qui provoque l’écrasement de l’hélicoptère. Les deux hommes, ainsi que Kazuhira Miller, survivent à l’accident, mais le médecin finit par perdre son bras gauche tandis que des fragments d’os et de dents sont incrustées dans son corps, y compris un gros éclat d’obus logé dans son cortex cérébral. Big Boss et le médecin tombent dans le coma pendant les neuf années suivantes. Pendant son coma, le médecin a été transféré dans un hôpital à Chypre, où il a été soumis à un processus de lavage de cerveau subconscient et de reconstruction faciale afin de devenir le double de Big Boss et d’attirer l’attention sur lui et non sur le vrai Big Boss. L’idée était que Big Boss puisse se retirer.
Après son réveil, il s’échappe de l’hôpital à la suite d’une attaque de la force de frappe XOF de Cipher et est extrait par Ocelot. Sous le nom de code Venom Snake, le double prend le commandement de l’unité mercenaire Diamond Dogs et de la nouvelle Mother Base construite près des Seychelles. Snake s’engage alors dans une série de missions en Afghanistan et en Afrique centrale alors qu’il cherche à se venger de ses camarades perdus et poursuit l’organisation Cipher. En cours de route, il recrute plusieurs individus dans son armée, y compris des compagnons tels que le tireur d’élite Quiet (notre interview avec Stefanie Joosten) et le chien D-Dog. Snake se retrouve finalement face à face avec Skull Face, l’homme qui a comploté la destruction de la Mother Base d’origine.
Tout au long de l’histoire, des indices sur la véritable identité de Venom Snake sont progressivement révélés, à commencer par la présence de son colocataire Ishmael à l’hôpital chypriote. Quand Snake demande l’identité d’Ishmael, le patient bandée répond simplement « tu parles à toi-même« . Plus tard, un test ADN est effectué sur l’enfant mercenaire Eli – qui est Liquid Snake enfant – s’avère négatif lorsque l’ADN d’Eli est comparé à celui de Snake. Sachant que « Les Enfants Terribles » (Solid Snake, Liquid Snake, Solidus Snake) sont des clones de Big Boss le test ADN aurait du être identique à celui de Big Boss, s’il s’agissait du vrai Big Boss.
L’histoire finale, intitulée « Truth : The Man Who Sold The World« , dépeint une version alternative des événements du prologue dans laquelle non seulement l’identité véritable de Snake est révélée, mais aussi celle d’Ishmael qui s’avère être le Big Boss original. La scène finale de cette mission montre Venom Snake à Outer Heaven dans une période indéterminée, recevant une cassette de Big Boss, avec un côté étiqueté « Operation Intrude N313 » (le nom de code de la mission de Solid Snake dans Metal Gear sorti en 1987), qu’il écoute sur un appareil Sony BitCorder connecté à un ordinateur MSX2, la plateforme sur laquelle la franchise a commencé.
Metal Gear Solid V : L’objectif de Hideo Kojima
La question se pose : Pourquoi Hideo Kojima a-t-il décidé de donner une doublure à Big Boss ? Hideo Kojima a simplement voulu offrir l’héritage de Metal Gear aux joueurs. Le véritable héros de cette saga ce n’est pas Big Boss ou encore Solid Snake, mais bien le joueur. Pour parvenir à ses fins, Hideo Kojima a du faire preuve d’ingéniosité et utiliser une ficelle scénaristique.
En effet, avant Metal Gear Solid V : The Phantom Pain il y a eu une coquille dans la chronologie MGS. Nous l’avons vu précédemment, Big Boss a été tué par Solid Snake dans Metal Gear premier du nom avant de revenir dans Metal Gear 2 : Solid Snake et dans le final de Metal Gear Solid 4 : Guns of The Patriots.
Scénaristiquement, Hideo Kojima explique cela avec le médecin anonyme et compagnon d’armes de Big Boss qui va être maintenu dans le coma pendant toute la durée du coma de Big Boss. Le but étant de le convaincre qu’il est Big Boss, pendant son coma il a été soumis à un processus de lavage de cerveau subconscient et de reconstruction faciale afin de devenir le double de Big Boss. Le but et qu’il attire l’attention sur lui, pendant que le véritable Big Boss bat en retraite et qu’il monte sous les radars Outer Heaven. Souvenez-vous, dans la révélation finale, Ocelot lui donne les papiers du médecin – soit l’identité du joueur – et lui suggère de changer lui aussi de visage – le visage du médecin / l’avatar du joueur – pour passer inaperçu. Ça c’est pour le côté scénaristique afin que l’objectif de Hideo Kojima tienne plus où moins la route.
Le but de Hideo Kojima est de replacer le joueur au centre de la franchise. Metal Gear Solid appartient au joueur / aux joueurs. Avec Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, Hideo Kojima propose aux joueurs l’ultime jeu d’infiltration. Il y a tellement de possibilité pour mener à bien une mission que chaque joueur écrit sa propre histoire. Lors de la révélation finale, Big Boss adresse un message à son « Phantom », un message dans lequel il le remercie, qu’il est désormais Big Boss, que c’est son histoire et que grâce à lui, il a pu laisser sa trace et vaincu la mort.
Dans ce message, il y a deux niveaux de lecture. Nous avons Big Boss qui adresse un message à son double, mais en réalité il s’agit de Hideo Kojima qui s’adresse au joueur / aux joueurs. Hideo Kojima remercie le joueur / les joueurs. Grace aux joueurs, Hideo Kojima a pu écrire une œuvre complète et ainsi marquer l’histoire, laisser son emprunte dans le monde via une œuvre culturelle, il a ainsi vaincu la mort. L’œuvre de Hideo Kojima ne sera jamais oubliée. La réalisation de cette œuvre a été possible grâce aux joueurs qui lui ont été fidèle. C’est pourquoi il a voulu mettre le joueur au centre de l’histoire. Si Hideo Kojima vivait depuis des années à travers ses personnages, il a voulu offrir la même chose aux joueurs. Dans la dernière cinématique, le double de Big Boss brise le miroir pour montrer qu’il n’est plus le reflet – le phantom – de Big Boss, mais qu’il EST Big Boss. Symboliquement, c’est le joueur qui vient de s’affranchir de Hideo Kojima.
Certains diront que le quatrième mur est brisé, d’autres lors des premières critiques disaient que Hideo Kojima n’avait pas brisé le quatrième mur dans Metal Gear Solid V : The Phantom Pain. Lors de mon parcours universitaire, j’ai réalisé la première étude consacrée entièrement au quatrième mur dans le jeu vidéo. Il y a eu auparavant quelques articles scientifiques sur le sujet, mais aucune véritable recherche. Dans ce travail de recherche, je montre que le jeu vidéo s’est vu attribuer une exploitation du concept du quatrième mur par les joueurs, la presse spécialisée, voire les concepteurs de jeu eux-mêmes qui font usage de la notion de quatrième mur sans vraiment établir sa fonction dans le jeu vidéo. Je montre également que la définition du quatrième mur et le procédé qui consiste à le briser – comme nous pouvons le voir au cinéma – ne peut pas être appliqué dans le jeu vidéo.
Loin de prétendre de répondre à la question du quatrième mur dans le médium jeu vidéo, je propose dans ce travail de recherche une tentative de définition du quatrième mur avec une nouvelle approche et une nouvelle définition via la Métalepse Ludique. Je propose une typologie de la Métalepse Ludique et y analyse toute la franchise Metal Gear. Dans le cas de la révélation finale de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, le quatrième mur n’est pas brisé, mais nous sommes en présence de ce que j’appelle une Métalepse Ludique Référentielle qui renvoie à toute l’expérience passé du joueur. (Si le sujet vous intéresse, vous pouvez consulter l’introduction de ce travail de recherche via cet article Métalepse Ludique : Tentative de définition du Quatrième Mur pour le médium jeu vidéo.)
Pour en terminer avec la révélation finale de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, le joueur possède l’héritage de Hideo Kojima. Notre héritage, à nous les joueurs en France, réside également dans le premier Metal Gear Solid. Nous sommes nombreux, trentenaire d’aujourd’hui, à avoir découvert la saga avec la sortie de MGS sur Playstation. Pour la plupart, nous gardons un souvenir nostalgique de la VF, c’est pourquoi nous vous proposons pour les trois ans de la sotie de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, la séquence finale, celle de la révélation, doublée par la VF de Solid Snake, Emmanuel Bonami.
Rendez-vous sur cet article Emmanuel Bonami double Big Boss dans Metal Gear Solid V.