Mercredi s’est déroulé le prix du jeu vidéo 2012 qui réunissait des acteurs importants qui créent, font et ménestrelent le jeu vidéo. On trouvait ainsi des noms comme Julien Chièze ou Marcus et le créateur David Cage le tout en présence de Frédéric Mitterrand, l’actuel Ministre de la Culture et Claude Haigneré (présidente de la Cité des Sciences et de l’Industrie). Ce dernier a rappelé que de sa conviction le jeu vidéo était au même titre que le livre ; la bande dessinée et le cinéma, une œuvre à part entière.
Cette reconnaissance de Frédric Mitterand, et le vibrant hommage rendu, est une aubaine pour le média que nous affectionnons car il a été ainsi annoncé lors de cet évènement la création d’un espace baptisé « Cité du Jeu Vidéo » de 1.000m² situé au cœur de la Cité des Sciences et de l’Industrie à la Villette qui sera dédié au jeu vidéo dans ses aspects ludiques mais aussi historiques et patrimoniales. La Cité du Jeu Vidéo ouvrira ses portes en 2013.
Nous vous proposons le discours dit lors de cet évènement :
« Je suis particulièrement heureux de vous accueillir ici, si nombreux, au ministère de la Culture et de la Communication, dont je souhaite qu’il soit, ou qu’il devienne, votre maison, autant qu’il peut l’être pour les créateurs issus du cinéma, du livre, de la bande dessinée ou de l’animation.
Nous sommes réunis aujourd’hui pour distinguer et honorer la création et les créateurs de jeu vidéo, à l’occasion d’une manifestation qui, je le souhaite, pourra s’inscrire dans la durée. C’est également l’occasion pour moi de vous dire à quel point l’industrie culturelle du jeu vidéo constitue un enjeu majeur de la politique menée par le ministère de la Culture et de la Communication.
Les 30 mois durant lesquels j’ai eu l’honneur de servir le ministère ont été pour moi l’occasion de découvrir – car je le reconnais, j’avais auparavant une connaissance du jeu vidéo liée essentiellement à mon entourage familial – la richesse créative de vos métiers, et de m’engager auprès de vous pour soutenir et accompagner votre développement. Suscitant aujourd’hui un véritable engouement du public, au-delà des jeunes générations, le jeu vidéo constitue un domaine au carrefour de la création artistique, du talent des développeurs, des savoir-faire de médiation, des enjeux industriels et des pratiques culturelles. Le jeu vidéo a acquis désormais une vraie dimension créative qui conjugue une multiplicité de talents artistiques : le graphisme, la décoration, l’animation, l’architecture, la photographie, la musique, l’écriture de scénario…
Il est aussi au croisement de la science et de l’art. Les jeux se rapprochent de plus en plus de l’esthétique du cinéma ; ils créent des mondes imaginaires ou restituent des univers historiques – les batailles napoléoniennes, l’Ancien Régime ou la Florence de la renaissance. Avec une ambition éducative désormais pleinement assumée par de nombreuses créations.
Le jeu vidéo en France est une industrie créative en fort développement et en plein bouleversement, ce qui n’exclut pas, je le sais, les difficultés que peuvent traverser certains d’entre vous. Aujourd’hui, le chiffre d’affaires mondial du secteur du jeu vidéo – équipements et jeux – atteint 50 Mds€. En France, il est de plus de 3 Mds€, supérieur donc à celui du cinéma, ce qui fait de notre pays le troisième plus grand marché européen derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne. Des études récentes attestent que près de deux tiers des Français déclaraient avoir joué à des jeux vidéo. La France est aussi un territoire important de création vidéo-ludique : on compte environ 120 studios de développement – souvent des structures jeunes et de petite taille – implantés sur tout le territoire, employant environ 2.800 salariés. La majorité de vos entreprises développe des créations pour les nouveaux supports: jeux accessibles en ligne sur Internet, jeux pour réseaux sociaux ou téléphones mobiles et tablettes, qui ont un fort potentiel de croissance.
Dans ce domaine, la France pourrait être, si l’on accompagne le développement de ces entreprises, un des premiers pays producteurs au monde. La France compte aussi des éditeurs d’envergure internationale, notamment Ubisoft et Vivendi, dont le premier éditeur au plan mondial. Certaines productions récentes d’entreprises françaises ou détenues par des intérêts français se sont illustrées par leur créativité, leur capacité d’innovation et par leur succès critique et public – par exemple avec Assassin’s Creed d’Ubisoft, vendu à 20 millions d’exemplaires dans le monde, qui explore l’univers médiéval du monde des croisades et les villes italiennes de la Renaissance avec un luxe inouï de détails historiques et un graphisme très soigné ; ou le jeu Heavy Rain sur lequel vous avez œuvré, cher David Cage, une enquête policière dont le scénario – modelé par le joueur – se déroule comme un film, ou encore, dans un autre genre, les Rayman Origins fantaisie ludique au graphisme très séduisant du créateur Michel Ancel, vendu aussi dans le monde entier. Nous disposons d’autres grands atouts.
Plusieurs écoles françaises de formation ont acquis une renommée internationale et font des jeunes créateurs français des talents recherchés dans le monde entier, en particulier en Amérique du Nord. J’ai rencontré l’an dernier trois jeunes diplômés d’une de ces écoles qui viennent d’éditer un très beau livre interactif (au croisement de la littérature et du jeu) consacré aux aventures de Sherlock Holmes et destiné aux tablettes et téléphones portables.
Le jeu vidéo est donc un vecteur de la culture et de la création française dans le monde ; c’est un secteur en plein développement dont les plus jeunes entrepreneurs doivent être accompagnés et encouragés, dans un contexte de concurrence internationale très forte, où certains pays (comme le Canada) ont mis en place des aides publiques très attractives. C’est la raison pour laquelle mon ministère soutient, directement et auprès des autres institutions publiques, la création de jeu vidéo.
Comme vous le savez, la politique culturelle en faveur du jeu vidéo a pris un tournant important en 2008 avec la création du Fonds d’aide au jeu vidéo, qu’administre le Centre national du cinéma et de l’image animée. Ce fonds, doté d’un budget de 3M€, a été modernisé en 2010 afin de s’adapter à l’évolution des modèles économiques du jeu vidéo, notamment le développement de jeux en ligne. Le crédit d’impôt jeux vidéo entré en vigueur en 2008, est venu renforcer ce dispositif. Il permet aux entreprises de création installées en France de déduire de leur impôt 20% des dépenses de production de jeux vidéo, contribuant ainsi à la diversité de la création française et européenne. Plus de 80 jeux en ont bénéficié, représentant un investissement de 285 M€, réalisé sur le territoire français. C’est un dispositif qu’il faut pouvoir adapter en permanence, à l’égard d’un secteur très innovant dans ses méthodes de production. J’admets cependant volontiers devant vous que la place du jeu vidéo au sein de mon ministère est historiquement récente. De nombreux chantiers sont ouverts pour approfondir cette politique : la facilitation de l’accès aux financements, la clarification du statut juridique du jeu vidéo, la création d’un lieu de référence pour le jeu vidéo en France… C’est aussi sur ces dossiers que je souhaite faire un point aujourd’hui devant vous.
L’heure ne peut en effet être consacrée seulement à la célébration des créateurs et de la création, tant je sais que votre secteur connaît une mutation profonde, et n’est pas épargné par les difficultés économiques, les crises de croissance, qui ont vu certains studios parmi les plus créatifs disparaître l’an passé. Le premier des chantiers concerne l’amélioration et l’approfondissement des dispositifs de soutien et d’accompagnement publics. Je suis ainsi pleinement mobilisé auprès des instances communautaires pour obtenir enfin le renouvellement de l’agrément relatif au crédit d’impôt. Je me suis rendu il y a un mois à Bruxelles pour porter ce message auprès des commissaires Joaquin Almunia, Neelie Kroes et Andrea Vassiliou. Malgré la longueur, voire la lenteur parfois du dialogue avec la Commission, j’ai bon espoir que nous puissions aboutir d’ici la fin du premier semestre 2012. Cette même persévérance et cette pédagogie a par exemple permis d’obtenir ce matin même le feu vert de la Commission pour notre dispositif d’aide à la numérisation des œuvres du patrimoine cinématographique. Vous pouvez compter sur mon engagement pour obtenir un résultat positif en matière de crédit d’impôt. Nous travaillons également à améliorer l’accès des entreprises et des studios de développement aux financements bancaires, en mobilisant des leviers financiers publics.Un fonds de garantie « jeux vidéo », a ainsi été créé en 2011 pour stimuler l’investissement dans ce secteur ; il est administré par l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) et financé par le CNC.
Au-delà de ce dispositif, qui ne répond qu’à une partie des besoins exprimés, nous travaillons activement à faciliter l’accès de vos studios aux ressources des Investissements d’avenir. Il existe des dispositifs publics pour améliorer le financement et faciliter l’accès aux financements des entreprises innovantes du numérique, telles que les vôtres : le Fonds national d’amorçage, pour les jeunes entreprises qui procèdent à la levée de leurs premiers fonds, et dont le volet numérique a récemment été doté de 200M€ ; la future banque Oséo Industrie annoncée par le Président de la République fin janvier et qui se met en place ; le Fonds pour la société numérique, pour les PME déjà plus solidement installées. Mon travail consiste, auprès des institutions qui en ont la charge – ministère de l’Economie et des Finances, Oséo Industrie, Commissariat général à l’investissement, Caisse des dépôts et consignations -, à ce que ces dispositifs soient adaptés aux TPE et PME du jeu vidéo, et à leur stade respectif de développement. Je plaide ainsi fortement pour que la Banque de l’Industrie, dont les ressources émanent notamment des fonds mobilisés pour le numérique dans le cadre des Investissements d’avenir, réserve le meilleur accueil aux industries innovantes et créatives comme la vôtre. Dans vos démarches à l’égard de ces interlocuteurs, sachez que vous trouverez toujours au sein de mon ministère – notamment avec le Centre national du cinéma – une écoute attentive, pour porter vos demandes et vous accompagner, vous aider à franchir les étapes qui permettront à ces dispositifs d’être pleinement opérationnels et adaptés à vos besoins.
Un autre chantier important concerne la clarification du cadre juridique du jeu vidéo, corollaire de cet accompagnement financier. À cet égard, je souhaite que nous poursuivions le remarquable travail de clarification et de médiation mené par Patrice Martin-Lalande jusqu’à la fin de l’année dernière. Il s’agit de trouver des solutions pragmatiques respectant les principes du droit d’auteur et permettant à la fois de garantir la rémunération des créateurs et de sécuriser les investissements des entreprises du secteur. Certains préjugés sont tombés, et les sociétés d’auteurs comme les professionnels du jeu vidéo ont pris l’habitude de se parler ; c’est en soi un point très positif de la mission conduite par M. Martin Lalande.
Toutes les parties semblent également s’accorder pour reconnaître la nature « d’œuvre » du jeu vidéo, et en conséquence la qualité d’auteurs de certains concepteurs : cela constitue également une avancée. L’essentiel de la question repose aujourd’hui sur la définition de modalités de cession des droits des auteurs. C’est un chantier de longue haleine, mais nécessaire pour favoriser l’essor de l’industrie du jeu vidéo en France. Il faut poursuivre ce travail de dialogue. J’ai donc décidé de confier à Philippe Chantepie, chargé de mission auprès du secrétaire général du Ministère, et professionnel dont les compétences sont connues et reconnues par nombre d’entre vous, une mission de concertation, afin de poursuivre et d’approfondir le dialogue déjà engagé. Je souhaite que d’ici le 1er octobre 2012, cette concertation soit en mesure de proposer des solutions qui fourniront un cadre propice au développement de la filière industrielle et créative du jeu vidéo en France, convenant à l’ensemble des acteurs, et prenant en compte les spécificités de votre secteur, du « pacte social » qui le caractérise, pour aménager le régime du droit d’auteur dont il relève. Pour cela, M. Chantepie devra donc s’entourer et surtout entendre les professionnels que vous êtes.
Un troisième chantier me mobilise pleinement : il s’agit d’affirmer et de concrétiser notre ambition patrimoniale et de reconnaissance de la culture vidéo-ludique, aux côtés de nos grands industries culturelles, telles que le livre, la bande dessinée, l’animation, le cinéma… Le succès de Game Story, la très belle exposition sur l’histoire du jeu vidéo organisée au Grand Palais à la fin de l’année dernière, me conforte dans cette orientation.
Je souhaite aujourd’hui multiplier les occasions de mettre le public au contact de la création vidéo-ludique, selon des dispositifs spécifiques et innovants. Il faut donc à mes yeux que soit créé un espace qui confèrera à l’ensemble du secteur un lieu structurant et fortement identifiable.
Le projet de Cité du jeu vidéo que nous présente Universcience me semble répondre à cette ambition. C’est pourquoi j’ai décidé que mon Ministère apportera son soutien, à hauteur d’un million d’euros, à ce beau projet, qui ouvrira ses portes au second semestre 2013. Résolument ouverte sur un large public, la Cité du jeu vidéo permettra une approche novatrice de l’ensemble de la filière, à travers la découverte, l’apprentissage, la compréhension et la pratique, en permettant également au public d’expérimenter des contenus originaux. À l’image du formidable essor de ce secteur en France, elle s’érigera en tant que haut lieu de convergence des publics et favorisera la rencontre et le dialogue entre joueurs, parents, enseignants, adolescents et professionnels. Atteindre ces objectifs, bénéfiques à l’ensemble de la filière, suppose bien entendu de s’associer avec les entreprises qui animent, créent et innovent dans le jeu vidéo en France. C’est donc un appel que je vous lance : je souhaite que ce beau chantier puisse se développer dans une logique partenariale entre la filière créative et innovante dont vous êtes les représentants et Universcience, avec l’appui du CNC. Le jeu vidéo est un domaine d’excellence pour l’économie de la culture dans notre pays. Ouvert sur le marché mondial, il est appelé à être demain un gisement pour l’emploi culturel et un terrain d’expérimentation au service des industries de l’image et de la créativité de notre pays. J’ai œuvré à cette tâche et continue de travailler dans ce sens. »
C’est « Jazz : Trump’s Journey« , jeu iPhone, iPad et Mac du développeur Egg Ball qui a été récompensé du prix du meilleur jeu vidéo 2012. Et c’est la société Ankama, dans son entier, qui a reçu le prix du créateur.