Eklecty-City.fr s’est entretenu avec Yann Danh, le réalisateur d' »A Tout Prix« , un court-métrage qui rafle toutes les récompenses et dont les droits ont été achetés par le créateur des Experts, Anthony E. Zuiker. Rencontre avec un réalisateur à suivre à tout prix « Who are you ? Who, who, who, who ?« …
Bonjour Yann, tout d’abord merci à toi de m’avoir accordé cet entretien. Pour les internautes ignorant ton parcours peux-tu te présenter en quelques mots :
Yann : Je suis réalisateur, J’ai fait des clips et des courts métrages. J’ai écrit plusieurs scenarii et actuellement je travail sur des projets de long métrage.
Nous nous rencontrons aujourd’hui pour parler de ton fameux court-métrage « A Tout Prix ». Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, revenons sur ta vocation pour le cinéma. Quand et comment est-elle née ?
Yann : Très jeune j’ai réalisé des courts métrages en vidéo avec des potes mais c’était plus un « amusement » qu’autre chose. Je n’avais pas de projet, d’ambition dans le cinéma. Mais vers 16 ans, alors que je pensais me diriger vers une carrière dans le jeu vidéo, je me suis retrouvé dans un cours de cinéma en 2nd.
Nous devions tourner un court métrage. Et alors que je tournais « La Mort d’Un Ange« , tout un programme (rires) j’ai eu le sentiment d’être à ma place. J’adorai travailler avec une équipe, même si le film fut par contre un beau ratage !
Quels sont les réalisateurs et les œuvres cinématographiques qui t’ont influencé ?
Yann : Quand j’étais très jeune j’ai focalisé sur : Leone, Scorsese, Coppola, Stone, Cameron, De Palma, Spielberg et Carpenter…
Surtout Leone, Carpenter et Scorsese en fait. Je regardais certains de leurs films en boucle, ce qui a dû inquiéter certaines personnes de mon entourage (rires).
Par la suite Fritz Lang, Fincher, Welles, Nolan, Kubrick, Kurozawa, Oliver Stone, John Woo, Tsui Hark, Boissset, Corneau, Melville, Renoir…
Pour en revenir à « A Tout Prix », le film met en scène trois hommes qui vont séquestrer leur ancien patron et demander une rançon contre sa libération. Peux-tu revenir sur les origines du projet présenté comme un thriller avec un fond social ?
Yann : A une époque j’ai travaillé dans l’informatique et la finance. J’ai assisté à une telle déshumanisation, une telle agressivité dans les rapports au sein de grandes entreprises. La « logique comptable » et tout ce qui en découle. Bref j’étais triste et en colère à ce moment là.
De plus j’ai toujours était un gros gros fan du « film noir », du Polar, du Thriller… L’envie de transformer ce sentiment à l’intérieur d’un cinéma de tension, de suspens et de surprise était très très forte !
Dans un premier temps, avec mon co-scénariste Mahi Bena, nous avons écrit un scénario de long-métrage, « A Tout Prix« . Le film a failli se faire, comme d’autres projets d’ailleurs. Finalement ça a capoté. Aussi je me suis dit : « Faisons un court« . On a juste gardé l’idée de l’enlèvement et de la manipulation et on a refait une toute nouvelle histoire.
Avec un budget modeste, le court-métrage impressionne par la qualité technique de son ensemble, la photographie, la bande son et le montage nerveux sont régulièrement salués. Avec ses 15 minutes, « A Tout Prix » à tout d’un grand film. Pour arriver à un tel résultat, j’imagine qu’il y a un gros travail en amont. Peux-tu revenir sur la phase de préproduction du film ?
Yann : Merci beaucoup. Oui le budget était tout petit et il est vrai que pour compenser on a fait une grosse prépa avec les différents départements et en particulier mon chef opérateur : Vincent Vieillard Baron.
On a beaucoup répété avec le cast également. Un tournage c’est toujours des imprévus, et dieu sait qu’on en a eu malgré tout ! Vu que je produisais le film, que le budget était super serré, et que nous avions de grosses ambitions il a fallut beaucoup préparer, repérages, découpage, Story board, faire des réunions pour s’assurer de la cohérence visuelle et artistique… En même temps je pense, pour ma part, que ça sera toujours ainsi, même avec plus de moyens. Car le cinéma que j’ai envie de faire se fabrique comme ça. Et c’est ce qui me plait.
Enfin, le film a été rendu possible grâce à l’aide de l’équipe, du cast, et des prestataires qui ont joué le jeu de nous aider quand je suis venu leur présenter le projet. Sans l’aide par exemple de Jean Claude Ruellan, chez Alga à l’époque, ce film ne serait encore qu’une envie sur le papier. Le film lui doit beaucoup ! Le film doit à toutes celles et ceux qui ont aidé, qui ont donné de leur temps, de leur talent, et parfois plus… Encore merci beaucoup à eux.
Du côté des comédiens, je crois savoir que l’on t’avait suggéré des acteurs « bankable ». Parle-nous des différentes étapes du casting :
Yann : On m’avait suggéré de mettre du cast bankable pour rendre mon projet plus « visible », quand t’as du cast connu c’est comme pour un long, ça attire plus rapidement les spectateurs ou autre. Mais j’ai perdu beaucoup de temps avec des personnes qui m’ont dit « oui » puis qui m’ont fait courir…bref…
En définitive j’ai fait le film avec qui j’avais envie et ceux qui voulaient le faire.
Je sais que tu affectionnes le cinéma de Christopher Nolan. Dans « A Tout Prix », une séquence où la tension est palpable et la musique qui l’accompagne nous rappelle un passage dans The Dark Knight. Est-ce un simple hasard ou un clin d’œil d’un cinéaste à un autre ?
Yann : C’est amusant car sincèrement on n’y a jamais pensé. Ma référence au niveau des bruitages que j’ai donné c’était les match de boxe de Raging Bull de Scorsese. Ou alors c’est très inconscient. On a juste tenté d’amener le plus de tension possible dans cette scène.
« A Tout Prix » a reçu plusieurs prix dans divers festivals dont le « coup de cœur du président du jury » du Festival Genre III et un prix au « FEST’ Festival 2013 ». Comment as-tu vécu toutes ses récompenses ?
Yann : Ça fait excessivement plaisir. Comment ne pas être heureux ? Tu te sens chanceux.
Justement, cette année tu fais parti du Jury « FEST’ Festival 2014 ». Que nous réserve cette édition 2014 ?
Yann : Je l’espère une aussi belle sélection que l’an passé : Bigarré, différente, passionnante. Je vais découvrir les films au même moment que le public !
Récemment, le créateur et producteur exécutifs des Experts, Anthony E. Zuiker, a acheté les droits du court-métrage. Comment as-tu vécu la chose ?
Yann : J’étais à Cannes où Xavier Gens a vu mon film. Il m’a présenté à Dimitri Stephanides, de WTFilms, qui a par la suite vu « A Tout Prix« . Il l’a aimé m’a proposé un Deal avec les US. Puis j’ai appris qu’il s’agissait d’Anthony E.Zuiker. J’étais surpris et heureux comme tu peux l’imaginer ! Une sacrée chance à nouveau !
Sais-tu si Anthony E. Zuiker souhaite adapter ton histoire au cinéma ou pour la télévision ?
Yann : Je n’en ai aucune idée. Le film est diffusé sur une plateforme qu’il a créé : BLACKBOXTV. Pour le reste, je n’ai pas d’info, pas pour le moment…
Il me semble que ton premier long-métrage est en développement, peux-tu nous en dire davantage ?
Yann : Je travaille avec Metaluna Productions sur un gros projet. Un gros Thriller. Un projet que j’adore qui s’intitule « Implacable« . Un scénario fort, intense, plein de surprises.
A ce jour, quel regard portes-tu sur le cinéma français ?
Yann : Bien qu’il y’a des films que j’aime qui se produisent en France, il est clair qu’il reste difficile de monter certains projets. Ça ne veut pas dire que c’est impossible mais c’est difficile. Long, laborieux. Si tu veux faire un Thriller, un film d’horreur, un film fantastique ou un film d’action par exemple, il faut s’armer de patience.
Faire un film déjà, quelque soit son « genre » c’est très compliqué et hasardeux. Mais j’ai bon espoir qu’à l’avenir nous allons découvrir de plus en plus de films différents via le Crowdfunding ou des capitaux privés qui permettront au public de découvrir des films différents.
Je pense qu’il y’a de la place pour tout le monde. Et en ce moment ça bouge beaucoup ! Suffit de voir un film comme Dealer de Jean Luc Herbulot par exemple ou encore le projet de Julien Seri, Night Fare (Ndlr : Notre interview avec Julien Seri). Ça bouge et ça se débrouille autrement. J’espère que le métier et le public vont être réceptif à ces propositions que je trouve réellement excitantes et enthousiasmantes !
Reste à voir comment le « métier » va suivre ou pas derrière. Mais nous sommes à une époque de transition, avec le numérique notamment. Aussi il est grand temps de se « réinventer ». Il n’y a que comme ça que notre industrie restera forte et compétitive. On doit continuer de proposer un cinéma de qualité et qui ne doit rien aux autres cinématographies…
On a tant de talents ici, d’histoires à raconter… Je suis optimiste. On verra bien ce qu’il se passera. Mais en ce moment ça bouge. Y’a une énergie incroyable et je pense que ce n’est pas prêt de s’arrêter.
Justement, récemment nous avons rencontré le réalisateur Julien Seri qui a financé son prochain long-métrage, Night Fare, via une campagne de crowdfunding. Selon toi, le financement participatif est-il l’avenir du cinéma ?
Yann : Sans doute n’est ce pas le seul moyen mais je pense que ça peut y contribuer oui.
Avant de conclure, quelle question aurais-tu souhaité que je te pose et qu’aurais-tu répondu ?
Yann : Si un génie sortant d’une bouteille me proposait de faire un vœu lié au cinéma, quel serait-il ?
Réponse : Me retrouver 24H dans la tête de Leone durant le tournage d’Il était une fois en Amérique… juste pour comprendre comment ce monsieur a réussi à faire un tel monument de cinéma !
Nous sommes arrivés à la fin de l’interview, encore merci d’avoir accepté le jeu de l’interview, à bientôt.
Yann : Merci encore à toi et longue vie à Eklecty-City.fr.
Propos recueillis par Thomas O. pour Eklecty-City.fr, qui remercie Yann Danh pour s’être prêté au jeu d’une interview.