Alors que l’on se gargarise de figures « révolutionnaires » (notez les guillemets) sensées reconditionner et révolutionner le cinéma – Aronofsky, Villeneuve, Nolan, c’est de vous que je cause – il existe dans l’ombre des cinéastes réellement atypiques qui n’ont pour seule volonté que de pouvoir s’amuser à faire des films et les montrer. Nothingwood se penche sur l’un de ceux là.
En plein cœur des montagnes afghanes à plusieurs centaines de kilomètre de Kaboul, Salim Shaheen est l’acteur/réalisateur/producteur le plus populaire et prolifique du pays. Un véritable illuminé, accroché à son art avec un amour démesuré. L’homme que l’on qualifierait facilement d’Ed Wood afghan sera donc le sujet de Nothingwood, un documentaire réalisé par Sonia Kronlund, réalisatrice pour France Culture.
Alors que Salim Shaheen est en voyage pour projeter quelques-uns de ses 110 films, il en profite pour tourner son 111ème. S’il est une personnalité truculente, un bonimenteur de foire, ses comparses n’en sont pas moins de véritables numéros. Accompagné par des comédiens tous plus excentriques et incontrôlables, Nothingwood arrive à toucher du doigt ce qui pourrait être la forme la plus pure du cinéma. À savoir : des films populaires au scénario peu alambiqué – ce n’est rien de le dire – et montés de bric et de broc. Une approche candide, dénué de tout cynisme, uniquement motivé par la passion.
Car ce qui frappe dans le documentaire de Sonia Kronlund, c’est ce contraste entre la bonne humeur et l’insouciance enfantine de Shaheen et le contexte sociétal dans lequel ce dernier crée ses films. Dans un pays en guerre depuis plus de 30 ans et surveillé manu-militari par des enturbannés qui considèrent le cinéma comme un divertissement capitaliste, le réalisateur fait fi des danger – invoquant, ici et là, le dieu du cinéma comme ange protecteur – et donne vie à des tournages délicieusement Z. On crache du sang de poule pour simuler une mort et l’on n’hésite pas à tirer à balles réelles à la kalashnikov pour rendre les affrontements plus crédibles. Ni Hollywood, ni Bollywood, Nothingwood c’est le cinéma de rien. La formule est de Salim Shaheen lui-même et malgré l’apparente humilité de cette dernière, on serait tenté de dire que son cinéma est tout.
Véritable star dans son pays, Salim Shaheen est une bouffée d’air frais pour les gens qui ont la chance de l’approcher. Impossible de ne pas constater toute la joie et le bonheur que ses films de bric et de broc apportent à une population désœuvrée. Connu par delà les montagnes, même le plus petit fermier a entendu parler de ses films et se réjouit de pouvoir assister à la projection de l’un d’entre eux à l’arrière d’une étable. Encore plus criant, ce témoignage d’un Taliban – À visage masqué – chantant les louanges du cinéaste et la douce hypocrisie du régime Taliban.
Loin des images dévastées que l’on connaît, Sonia Kronlund montre un peuple Afghan, joyeux, riant, dansant et s’amusant. La preuve concrète qu’aussi puérile et désuet soit-il, le cinéma transcende les guerres, les dictatures et les institutions. Un cinéma simple et sincère qui n’a comme unique volonté que d’apporter un peu de bonheur sur son passage. Est-ce qu’on n’approcherait pas là, la véritable essence du septième art?
Dois-je l’intégrer à ma vidéothèque ?
Sortie en DVD et VOD le 17 octobre, la version DVD de Nothingwood est complétée par 4 scènes coupée d’une durée de 14min. Elle est également accompagnée par un livret inédit de 20 pages présentant l’histoire de l’Afghanistan et le cinéma afghan. De quoi sensiblement allonger la dose d’informations déjà présente dans le documentaire.
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