Alors que le film réalisé par James Franco s’apprête à sortir sur nos écrans français, les petits gars de Panic Cinéma et Chroma – accompagné par Carlotta – proposent enfin, et dans la langue de Victor Hugo, une traduction du livre écrit par Greg Sestero et Tom Bissell. Racontant les déboires de Greg Sestero sur le tournage de The Room, The Disaster Artist est instantanément un incontournable pour tout amateur de cinéma.
À la lecture du livre, on s’interrogera régulièrement sur la véritable nature de ce dernier. Qu’est-ce que c’est The Disaster Artist ? La biographie d’un auteur dérangé et incompris ? Le compte rendu d’un tournage chaotique ? Une catharsis destinée à exorciser les souvenirs d’une mauvaise expérience ? Un peu tout ça en même temps finalement.
Si Greg Sestero prend un malin plaisir à nous décrire les affres du personnage de Tommy Wiseau sur le tournage de The Room. Il prend aussi quelques chemins de traverses et tente d’élucider le caractère mystérieux de cet homme qui en dépit de tout bon sens, sans talent pour la comédie, l’écriture ou la mise en scène, s’est évertué à gravir les marches du succès à Hollywood.
Parce que plus que The Room, son tournage décousu et son résultat calamiteux, c’est le parcours de Tommy Wiseau qui intrigue et qui fascine dans The Disaster Artist. Qui est t’il ? D’où vient-il ? Que fait-il dans la vie et d’où provient son inépuisable fortune ? Il y a fort à parier que si Greg Sestero s’est laissé vampiriser tel qu’il l’a été, c’est pour parvenir à toucher du doigt cette vérité. Vérité d’autant plus complexe à aborder que Tommy Wiseau n’a de cesse de l’omettre, de la déformer ou de la travestir pour satisfaire un égo et des complexes incompréhensibles.
The Disaster Artist s’articule autours de deux périodes : La première, au présent, se focalise sur les déboires du tournage de The Room. La seconde, au passé, revient sur la rencontre entre les deux hommes ainsi que leur relation ambigu teinté d’amitié, de curiosité et de syndrome de Stockholm.
À cela s’ajoute une peinture juste et réaliste du Hollywood des années 2000. On y suit Greg Sestero de casting en casting, auréolé de ses rêves de gloires et tentant de se faire un nom dans le milieu du cinéma. À ce titre, The Disaster Artist, regorge de détails amusant et révèle, pour qui sait lire entre les lignes, le calvaire des jeunes comédiens Hollywoodien perdus dans la masse des castings de Los Angeles.
Épaulé par Tom Bissell, Greg Sestero parvient sans mal à rendre la lecture de son épopée fluide et croustillante. Les anecdotes et révélations ne manquent pas et l’humour, moqueur et incisif, parvient régulièrement à nous tirer quelques très francs éclats de rire. Le voile sera également levé sur certains des éléments les plus improbables de The Room. Comme par exemple l’image des petites cuillères à l’intérieur des cadres de l’appartement.
Soulignons également l’excellence de la traduction qui a sut retranscrire à merveille le phrasé et la grammaire si particulière de Tommy Wiseau. Pas une mince affaire tant l’élocution étrange du bonhomme a contribué à façonner le personnage.
Évidemment l’on pourra se demander ce que l’intéressé, Tommy Wiseau lui-même, pense de tout ça. Si Greg Sestero est ce qui se rapproche le plus d’un véritable ami pour lui. Ce dernier ne lui épargne rien dans son livre et n’hésite pas à s’en moquer très ouvertement et à dépeindre l’intéressé de façon parfois très noire. Savoir ce qu’est devenu leur relation aurait peut-être permis d’éclairer encore un peu plus le personne de Tommy Wiseau.
Mais comme le livre se refuse à livrer un constat suite à la sortie de The Room, nous n’en saurons rien. Ce dernier s’achève lors de la première du film alors que la salle s’éteint. Et si l’on sait que depuis, Tommy Wiseau tente de faire bonne figure en répétant à qui veut l’entendre que, pour lui, The Room a toujours été une comédie sur l’amour, l’amitié et ses déboires. À la lecture de The Disaster Artist, il est très clair qu’il aurait du être un drame poignant autours des affres des relations humaines. Dommage du coup que le livre n’explore pas l’impact et les répercussions de The Room sur la psyché de son étrange auteur.
Passionnant à bien des égards, mordant et incroyablement édifiant, The Disaster Artist est une lecture qui ravira tout les mordu de cinéma. Plus qu’un simple récit d’anecdotes, c’est un portait sincère et parfois touchant de la figure de Tommy Wiseau. L’homme qui, parti de rien, fut capable d’accéder à la gloire envers et contre tout. Pas vraiment celle qu’il espérait. Mais là gloire quand même. Et il y a fort à parier que, sur la petite planète Wiseau, c’est amplement suffisant.