Auréolé d’une réputation sulfureuse au Festival de Toronto, High Life, le nouveau film de Claire Denis a donc été projeté en avant-première au Festival Lumière 2018 lors d’une séance introduite par la réalisatrice elle-même.
On savait Claire Denis capable du meilleur avec très peu mais l’on savait également que le public Torontois était apte à s’affoler pour bien peu de choses – CF la réception de Grave, pourtant loin de la ragoûtance décrite malgré quelques idées graphiques. Bref, sans savoir sur quel pied danser, on était quand même curieux. Pour la première fois, Claire Denis allait sortir de son genre de prédilection pour illustrer une histoire spatiale se déroulant dans un vaisseau à la dérive. Secundo, la réalisatrice est parvenue à réunir un casting fort et international : Robert Pattinson en tête d’affiche. Juliette Binoche en co-star. Et la petite Mia Goth (aperçue dans Nymphomaniac de Lars Von Trier, A Cure For Life et également présente dans le remake de Suspiria au coté de Tilda Swinton) pour leurs tenir la chandelle.
Ce fut donc sur les mots étranges de Thierry Fremaux que la projection fut lancée. « Bon bah, je vous laisse regarder ce truc. » Okay… Forcément, Claire Denis essaye de se rattraper aux branches. « Truc ? Oui c’est le mot. Je ne sais pas vraiment ce que c’est. Ça se passe dans l’espace mais ce n’est pas vraiment de la science-fiction… bref, vous allez voir. » En effet, on a vu.
Sans être une calamité – me faites pas dire ce que je ne veux pas – High Life a manifestement raté le coche. Un groupe de criminels condamnés à mort accepte de participer à une mission spatiale pour sauver leurs vies. Le but de cette dernière ? Officiellement, trouver des sources d’énergies alternatives pour sauver l’espèce humaine. Officieusement, chapeauté par la dénommé Dibs, (jouée par Juliette Binoche) prendre part à de curieuses expériences de reproduction. Scénario prétexte pour Claire Denis qui s’amuse sur le terrain de l’expérimentation métaphysique. Et c’est là que le bat blesse.
À force de vouloir se la jouer feutré en lorgnant sur les maitres du genre, High Life ressemble à un melting pot de références brassées n’importe comment. Évoquant tour à tour le 2001 : l’Odyssée de l’Espace de Kubrick ou Solaris de Tarkovosky, le film lorgne également du coté de productions plus récentes comme Sunshine de Danny Boyle ou Gravity d’Alfonso Cuaron. Dense, l’œuvre de Claire Denis navigue bon gré mal gré entre le sublime et le nanardo-cosmique. S’acclimatant de ses maigres moyens, la réalisatrice va à l’essentiel et dresse, en une succession de scénettes, le parcours fragmentaire de son personnage principal. Sorte de Marie-Madelaine inversé, Monte (joué par Pattinson, au sommet) est l’outil et le témoin des expérimentations de Dibs. En devenant le père de ce que l’on devine être, le renouveau de l’espèce humaine, il obtient une dimension messianique questionnant le spectateur sur sa propre mortalité.
Loin d’être une coquille vide, High Life s’avère passionnant pour peu que l’on en décortique proprement le fond. La culpabilité, la violence, les plaisirs de la chair, la procréation et la paternité sont autant de sujets que Claire Denis développe ou effleure simplement du doigt. Malgré ça, la radicalité et la – soi-disante – viscéralité de la mise en scène trahissent des intentions peu claires. Trop cérébrale pour être un trip-hallucinatoire et trop sensoriel pour aboutir sur une réflexion complexe, High Life a le cul entre deux chaises. Comme si ses atours de film de genre à la française faisait du métrage un objet qu’il fallait obligatoirement estampiller « punk ».
Reste que la direction artistique provoquera pas mal d’éclatement de la rétine. Si la structure narrative n’est pas à maturité, la caméra de Claire Denis, en revanche, est en pleine forme. C’est beau. Très beau même. En côtoyant l’infini, la réalisatrice parvient à créer pléthores tableaux bouleversants par la simple allégorie qu’ils peuvent susciter à leur vision. Usant d’un minimalisme salvateur, l’esthétisme du film transcende son propos en offrant à digérer de véritables peintures en mouvement. Sublime : Cette séquence de mort spatiale servant d’ouverture au carton titre du film. Traumatisant de sensualité : Cette scène de masturbation dans l’antre d’une machine à plaisir. Saisissant : Ce voyage mortuaire au cœur même d’un trou noir. Sans autre effets de manches que la grammaire cinématographique elle-même, on ne peut qu’admettre qu’High Life est artistiquement réussi.
Finalement, c’est dans ses défauts même que le film trouve ses qualités. Offrant le meilleur comme le pire, on pourra trouver l’œuvre de Claire Denis tantôt troublante et incisive, tantôt faussement provocatrice et vide de sens. Sorte de voyage initiatique vers un renouveau circulaire – la vie, la mort, encore la vie – ce grand vaisseau qu’est High Life convies son public dans un trip somnambulique teinté d’éclats de violence et de sexe. Quoi qu’il en soit et que l’on en apprécie ou non l’arrivée, la route dévoilée mérite qu’on ne s’attarde pas trop sur le bas côté.
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