Fede Álvarez tente de réconcilier les fans avec Alien : Romulus, mais échoue à capturer l’essence des films originaux.
CRITIQUE AVEC SPOILER
Le retour de la franchise Alien
Sept ans après ‘Alien : Covenant‘ de Ridley Scott, un film qui a divisé, à raison, les fans du xénomorphe, ‘Alien : Romulus‘ a la lourde tâche de réconcilier les amateurs de la saga. Réalisé par le cinéaste uruguayen Fede Alvarez, dont les films ‘Evil Dead‘ (2013) et ‘Don’t Breathe‘ (2016) ont été salués par la critique, l’annonce du réalisateur à la direction du nouveau film ‘Alien’ a très rapidement suscité l’intérêt des cinéphiles.
Il faut dire que depuis la sortie en 1997 d’Alien : Resurrection de Jean-Pierre Jeunet, la franchise n’a pas su briller au cinéma. Il y a bien eu les films crossover avec ‘Predator‘, basés sur les bandes dessinées de Dark Horse Comics, le même éditeur à l’origine de ‘RoboCop versus The Terminator‘ : ‘Alien vs. Predator‘ (2004) et ‘Aliens vs. Predator: Requiem‘ (2007). Si ces deux films peuvent être des plaisirs coupables pour les fans des deux créatures, ils ne sont pas considérés comme canoniques, c’est-à-dire appartenant à la chronologie officielle des deux univers. Même si ‘Predator 2‘ (1990) glisse une référence à l’univers du xénomorphe, il s’agit ni plus ni moins d’un clin d’œil des auteurs d’un univers à un autre.
Le retour de la franchise sur les écrans s’est fait avec son initiateur, Ridley Scott. En 2012, il propose avec ‘Prometheus‘ de revenir aux origines des xénomorphes en explorant celles des Space Jockeys, créatures brièvement aperçues dans le film original. Puis, en 2017, ‘Alien : Covenant‘ explore la suite de l’histoire du synthétique David, brillamment interprété par Michael Fassbender, qui est à l’origine des manipulations génétiques ayant donné naissance au xénomorphe tel que nous le connaissons, ‘un organisme parfait‘.
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Des fans divisés
‘Prometheus‘ (2012) et ‘Alien : Covenant‘ (2017) ont causé beaucoup de tort à la franchise, selon la perception que l’on en a. En tant que préquels, ils ont très peu de choses en commun avec les films originaux, mais apportent beaucoup d’éléments au lore. Mais en avions-nous vraiment besoin ?
Pour ne rien vous cacher, ces deux films nous avaient profondément déçus à leur sortie respective, car, comme les grands enfants que nous sommes, nous n’avons pas eu ce que nous souhaitions voir, donc nous étions tout colère… Cependant, à la revoyure, il faut reconnaître que nous avons quelque peu revu notre appréciation. Normalement, à partir de maintenant, on se fait deux ou trois ennemis, mais ces deux films sont des propositions qui se sont bonifiées avec le temps avec, bien évidemment, leurs forces et leurs faiblesses. Peut-être est-ce nous qui avons gagné en maturité… allez savoir… .
Il est toujours intéressant de lire les argumentaires des deux camps, ceux qui ont bien ou mal réceptionné les deux films de Ridley Scott, quand ces derniers vont plus loin qu’un simple ‘c’est nul‘ ou ‘c’est une masterclasse‘. Ces deux films divisent et continueront de diviser, et quelque part, c’est ce qui fait leur force.
Nous avons tous notre propre appréhension des films de la franchise. Alors que certains critiques / influenceurs se disputent encore pour savoir lequel des films ‘Alien’ réalisés par Ridley Scott et James Cameron est le meilleur, ici, nous sommes alignés avec une partie des fans de la première heure. Pour nous, la ‘Quadrilogy’ est une expérience à part entière avec un premier film purement d’épouvante, un second qui tire vers le blockbuster, un troisième horrifique et un quatrième opus qui mêle horreur et éléments ‘fun’ de comic-book. L’ADN de ces quatre films, et le fait que chacun propose des visions différentes, c’est ce qui, à nos yeux, a toujours fait la force de la saga… jusqu’à Fede Alvarez…
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Un nouveau chapitre pour Alien
Alien : Romulus s’inscrit donc dans ce contexte où les fans sont divisés par les derniers films de la franchise, mais aussi par le fait que la saga appartient désormais à Walt Disney, 20th Century Fox étant devenu 20th Century Studios suite au rachat de la FOX.
Dès l’annonce du projet, plusieurs promesses ont été faites. Fede Álvarez aurait eu une idée originale, validée par le producteur Ridley Scott et 20th Century Studios, visant à réunir le meilleur du film original avec le second volet de James Cameron. Très rapidement, le projet suscite l’enthousiasme chez les fans.
Les premières révélations indiquent que le film se déroulera entre les deux premiers opus fondateurs et que Fede Álvarez est un grand fan d’Alien : Isolation, le jeu vidéo à succès de Creative Assembly / SEGA sorti en 2014. Plusieurs mois avant la sortie, nous apprenons que Ridley Scott et James Cameron se sont entretenus avec le réalisateur pour lui prodiguer quelques conseils, bien que Cameron ait récemment minimisé son rôle sur le film.
Enfin, on nous promettait également de grands frissons, Álvarez oblige. Tout a été fait pour rassurer les fans.
Direction le Romulus-Remus
Le film de Fede Álvarez nous propose de suivre l’histoire d’un jeune groupe de colons de l’espace, bloqués sur une colonie de la el famoso Weyland-Yutani, sans aucune perspective d’avenir. Alors que Rain, le personnage principal incarné par Cailee Spaeny, atteint le nombre d’heures nécessaires pour quitter définitivement la colonie, la compagnie trouve un stratagème pour la retenir encore plusieurs années. Déterminée à échapper à ce destin, elle décide de fuir avec d’autres jeunes colons, accompagnée de l’androïde Andy (David Jonsson), qui l’a en partie élevée.
Malgré la main de fer avec laquelle la Weyland-Yutani règne sur la planète, ils parviennent à quitter la colonie sans aucune difficulté. Il se déroule quelques secondes entre le moment où ils décident de partir et leur arrivée sur le Romulus-Remus. Toute cette partie donne le ton du film : il n’est pas pensé pour plusieurs visionnages, mais comme un produit Tik-Tok… c’est-à-dire qu’il ne prend pas le temps de développer une histoire ou de donner de la profondeur aux personnages, ce qui empêche le spectateur de s’impliquer pleinement.
On comprend dès les premières minutes que plusieurs choses ne fonctionnent pas. Il est impossible de s’attacher à un quelconque personnage. Pour cela, il aurait peut-être fallu des minutes supplémentaires au début du film pour évoquer davantage la vie sur la colonie et approfondir chacun des personnages. Si l’esthétisme du film est au rendez-vous, Fede Álvarez ne sait pas sur quel trepied danser dans sa mise en scène. Quand il décide de ne rien montrer, pour suggérer comme le faisait jadis Ridley Scott, il n’y a strictement aucune tension viscérale. Quand il décide de montrer, pour iconiser comme le faisait jadis James Cameron, il échoue lamentablement. Et nous n’allons pas parler de la scène de zéro gravité avec l’acide des Xénomorphes…
Des références et de la maladresse
Comme nous l’avions évoqué dans notre article sur les leaks d’Alien : Romulus, le film propose du fan-service. Hormis le gros plan sur les Reebok et le ‘ne la touche pas, sale pute‘ qui font clairement tiep, les autres références servent l’histoire. Le retour d’un Hyperdyne Systems 120-A/2, soit Ash (Sir Ian Holm), comme androïde du ‘Romulus-Remus’ est logique au vu de la chronologie. Le retour du pathogène Black Goo de David explique les travaux de rétro-ingénierie de la Weyland-Yutani et fait un lien discret avec les préquels de Ridley Scott.
Cependant, arrêtons-nous sur Ash. Si utiliser l’image d’un acteur décédé, en l’occurrence Sir Ian Holm, est moralement discutable, comment est-il possible d’obtenir un résultat si catastrophique en 2024 quand des créateurs de contenus parviennent à réaliser des deepfakes impressionnants pour des fan-films ? Pour un réalisateur qui prétend privilégier les effets pratiques, il aurait été plus judicieux d’utiliser une tête animatronique afin d’assurer un minimum de crédibilité à l’écran. À minima, il s’agirait de respecter un acteur disparu, et le côté animatronique aurait un résultat plus réel pour représenter un androïde..
Quant au dernier acte, bien qu’il contienne tous les éléments nécessaires pour susciter le débat parmi les fans, avec une créature hybride qui aurait pu créer un grand moment à la Alien, Álvarez échoue dans sa mise en scène, de sa première apparition jusqu’à sa destruction. De plus, la créature est directement inspirée d’un concept art d’Alejandro Mirabal, qui n’est autre que le concept artist du Alien 5 avorté de Neill Blomkamp…
Un organisme imparfait
Sur le papier, Alien : Romulus avait tout pour être un excellent film : des acteurs impliqués, une intrigue solide qui parvient à intégrer l’ensemble des six films de la franchise, un dernier acte qui suscite la discussion parmi les fans. Cependant, malgré ses bonnes idées et tous les ingrédients pour devenir le grand film Alien annoncé, Alvarez échoue.
Malheureusement, en cherchant à satisfaire tout le monde et à attirer une nouvelle génération de spectateurs, Fede Álvarez ne parvient pas à convaincre et livre un film sans réelle identité. La tension, élément clé des précédents volets, est totalement absente, laissant place à une œuvre paresseuse tant dans son écriture que dans sa mise en scène. Alien : Romulus semble conçu comme un contenu TikTok sans profondeur.
La fin du film, avec Rain (Cailee Spaeny) entrant en stase pour rejoindre une nouvelle colonie, appelle clairement à une suite. À ce stade, autant satisfaire les fans en ramenant Ripley dans un film qui reconnaît les autres opus. Cette suite pourrait se situer après Alien Resurrection, réunissant David (Michael Fassbender), le clone de Ripley (Sigourney Weaver) et Rain (Cailee Spaeny). Une autre option serait une adaptation d’Alien : Isolation. Cependant, il faut s’attendre au pire, car Fede Álvarez envisage un nouveau crossover avec Predator… Pour l’heure, l’avenir de la franchise se dessine avec la série Alien : Earth de Noah Hawley. Cette série, qui ne sera pas canon avec les films, servira de préquel au film original et ignorera les préquels de Ridley Scott.
Malgré sa passion pour la saga, Fede Álvarez vient de signer le pire épisode de la franchise. Cet épisode risque de lui causer beaucoup de tort et de faire suivre à la franchise le même chemin que la saga Terminator.