La saga Alien est de retour au cinéma et on n’a pas fini d’en bouffer. Après un Prometheus qui a suscité plus de rejet que d’admiration, Ridley Scott réitère une troisième fois l’essai avec Alien Covenant histoire de prouver à tous que le papa d’Alien c’est lui et personne d’autre.
S’il y a quelque chose de sûr et certain c’est qu’Alien Covenant ne manquera pas de diviser les foules. Après l’échec de Prometheus, Ridley Scott en prend le contre-pied total quitte à corriger à outrance les défauts du précédant film. Plus limpide, plus simple mais aussi plus gore et furieux ce Alien Covenant s’impose donc comme le trait d’union – pas tout à fait définitif – entre Alien et Prometheus. L’histoire est simple – pour ne pas dire minimaliste. Le vaisseau de colonisation Covenant – avec à son bord quelques 2000 humains en cryostase et 4000 embryons – capte un étrange signal provenant d’une planète inconnue. L’équipage décident donc d’aller voir s’il est possible d’y faire un pique-nique et d’éventuellement y construire des cabanes au bord des lacs pour fonder dessus leur nouvelle colonie. Malheureusement, bien mal leur en a pris puisque – surprise – ils se verront contaminés par un très puissant agent pathogène et le cauchemars commencera.
Dans son premier tiers, Alien Covenant s’évertue à singer bêtement ses modèles à tel point que l’on se croirait presque dans un remake du film d’origine. Une seule différence : On en a absolument rien à foutre. Dès le début de son film, Ridley Scott rate quasiment tout ce qu’il est possible de rater en terme d’implication. Les personnages sont terne et sous écrit. D’eux, on ignore absolument tout. Qu’est-ce qui les caractérise ? Quelles sont leurs aspirations ? Leurs relations ? Même leurs noms, pour la plupart, sont oubliés aussi vite qu’ils sont mentionnés. D’ailleurs, il est particulièrement idiot – et regrettable – d’avoir mit toutes ces informations dans le prologue diffusé sur le web. Ce dernier se révèle, du coup, assez primordial pour déceler les liens qui peuvent unir ces personnages. Mais rassurez-vous, cela n’aura aucune espèce d’importance pour la suite. J’insiste, nos « héros » ne sont même pas des archétypes. Non. Rien que de la chaire à canon destinée à alimenter régulièrement le film en décès.
D’ailleurs, parlons-en des morts. Les spectateurs qui avaient trouvé les réactions des protagonistes de Prometheus incohérentes vont convulser sur leurs fauteuils. Celles d’Alien Covenant sont pire. Encore plus crétines que celles de ton frère bourré au bal des pompiers qui essaye d’amuser la galerie. Ridley Scott aura beau essayé de justifier leurs stupidités et leurs maladresses, certaines font instantanément plonger le film dans la série B d’exploitation à 200 patates. Prenez, par exemple, cette scène :
Après avoir vu sa collègue se faire dévorer sous ses yeux, l’une de nos héroïnes se précipitera dans la pièce et trébuchera sur une flaque de sang. Un grand moment de comique involontaire. Un peu plus et l’on s’attendrait presque à voir débouler Zavatta pour distribuer des coup de pieds rigolard aux postérieur des xénomorphes.
Pas inspiré, Ridley Scott emballe donc son film dans un florilège d’action décomplexée. Parfois extrêmement graphique, nous sommes devant l’opus le plus gore de la franchise. Recyclant jusque à la moelle toute l’imagerie de ses prédécesseurs, nous assistons donc à une compilation des meilleurs instant de la saga. Du clin d’œil putassier au pillage pur et simple. Tout est vu, revu et Scott accumule les poncifs sans jamais se poser la moindre question – magnifique de gratuité, cette scène de douche tout droit sortie d’un slasher pour teenager… L’entreprise pourrait se révéler satisfaisante si tout cela était convenablement emballé. Hélas l’action est illisible, montée à la serpe et porté par des personnages dont le sort nous est complètement égal.
Visiblement, comme l’androïde David, le sort de l’espèce humaine importe peu à Scott. Car le véritable héros c’est lui. Unique rescapé de Prometheus, figure monolithique voulant jouer à dieu, David – joué par un Fassebender toujours impeccable et largement au dessus de ses camarades – est l’incarnation métaphorique du réalisateur. À quatre-vingt ans l’anglo-saxon pêche par excès de confiance. Il veut marquer ses pairs et rappeler au monde que le véritable instigateur de la saga c’est lui et personne d’autre. Quitte à tout foutre en l’air pour y arriver. « Mieux vaut régner en enfer que servir au paradis. » : déclamera l’androïde. Un principe que Scott semble vouloir appliquer à son propre film. Quitte à déconstruire tout ce qu’il a crée auparavant.
En 2012 Prometheus avait déçu. Et pourtant. Malgré d’évidentes maladresses et un script parfois indigeste et nébuleux, le film était une incroyable force de proposition. Les Ingénieurs, êtres à la fois divins et imparfaits, étaient les créateurs d’une espèce humaine qui cherchait à tout prix à rencontrer ses géniteurs. Il résultait de l’œuvre un propos savamment métaphysique sur le créationnisme, la religion et la science. Prometheus était un film ambitieux et complexe qui se méritait et qu’il fallait savoir saisir. Loin de déflorer l’univers d’Alien, il l’amplifiait. Quand à ce dernier, l’horreur venait du mystère. Dans Alien, le xénomorphe était la personnification de notre peur primale. L’inconnu, l’étranger, l’autre. Cette chose que l’on ne connaissait pas, que l’on ne comprenait pas et qui inexorablement venait nous tuer pour survivre. Dans les deux cas, que ce soit Alien ou Prometheus, l’épouvante naissait de l’ignorance.
Envoyant tout balader d’un revers de main. Alien Covenant s’entache à tout décortiquer. Continuant son exercice destructeur de démystification, Hollywood continue de se complaire dans la sur-abondance explicative. Au fil de différents retournement de situations – dont un twist final que l’on voit venir vingts minutes à l’avance – Alien Covenant raccrochera inéluctablement les wagons à la locomotive pour faire rentrer Prometheus dans les clous. En ce sens, le film a même des allures de copie explicative. Histoire d’assurer la caution intellectuelle, Ridley Scott emballe ça dans un florilège de références culturelles. David écoute donc l’Or du Rhin de Wagner, cite Ozymandias de Shelley et le Paradis Perdu de Milton. La photographie, elle, compose des plans vaguement inspirés de Füssli et convoque les fantôme de Giger et Moebius dans ses décors. Bref, tout ça sent le foutage de gueule hypocrite – et encore, je passe sur des détails comme ces scènes vaguement homo-érotique entre deux robots qui apprennent à jouer de la flûte…
En pleine crise misanthropique, Ridley Scott réalise le volet le plus pessimiste, nihiliste, cynique et désespéré de la saga. Étrange, alors que Seul sur Mars, son avant dernier film à ce jour, était un feel-good movie plein d’espoir et de candeur. Curieux, ce jusqu’au boutisme aurait pu être salvateur s’il n’était seulement pas une excuse pour saccager le travail accompli précédemment. Incapable de retrouver son génie d’antan, Scott se retrouve à avancer tête baissé dans la tempête, sans regarder en arrière. Tel un George Lucas ou un James Cameron, il tente d’ériger son propre empire cinématographique. Mais au crépuscule de sa vie, il faut faire vite – déjà, la suite est en pré-production et doit être tournée en été 2018. Pour y parvenir, il bâcle son scénario – insipide. Ses séquences d’action – brouillonnes. Ses personnages – creux et interchangeables. Même ses monstres ne font plus peur. Reste quelques fulgurances gore et bis qui réveilleront le spectateur nonchalant, la prestation d’un Fassbender toujours monstrueux de charisme et les facéties de Danny McBride qui doit être ravi de pouvoir faire autre chose que de la comédie.
Plus facile d’accès, formaté et éclaircissant l’abscons Prometheus, Alien Covenant comblera plus facilement les attentes des spectateurs avides de grands spectacles. Malheureusement pour les fans de la saga nous sommes face au pire volet de la franchise – oui, même pire que Alien Résurrection. Il nous reste seulement à espérer qu’un jour, Neil Blomkamp – Disctrict 9, Chappie – réussisse à reprendre les rennes pour enfin livrer sa vision de l’univers. En attendant, laissons Papy Scott continuer de détruire son œuvre tel un enfant gâté refusant de prêter ses jouets.
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