« 2010 : L’Année du Premier Contact » de Peter Hyams est un space-opera satisfaisant et passionnant qui mérite d’être vu et réévalué.
Un bon film de science-fiction
Sorti en 1968, 2001 : L’Odyssée de l’Espace est un film de science-fiction produit et réalisé par Stanley Kubrick. Après la sortie de Docteur Folamour (1964), Kubrick souhaite réaliser le « BON film de science-fiction ». Pour mener à bien son projet, le réalisateur rencontre le célèbre écrivain de science-fiction, scientifique et futurologue Arthur C. Clarke.
Kubrick explique à l’auteur qu’il souhaite faire un film sur la relation de l’homme à l’univers, une œuvre qui doit susciter des émotions d’émerveillement, de crainte et de terreur. Après avoir parcouru plusieurs nouvelles de Clarke, Stanley Kubrick choisi « La Sentinelle » (1948) pour poser les bases de son histoire. Ils vont également inclure plusieurs idées de nouvelles différentes, notamment d’ « À l’aube de l’histoire » (1954), écrites par Arthur C. Clarke, et ajouter de nouveaux éléments d’intrigues.
Initialement, Kubrick et Clarke prévoient d’écrire un roman, sans les contraintes du cinéma, puis d’écrire un scénario. Le projet devait se présenter comme un « scénario de Stanley Kubrick et Arthur C. Clarke, d’après un roman d’Arthur C. Clarke et Stanley Kubrick« .
Les Odyssées de l’Espace
Avant d’être présentée sous le titre « 2001 : A Space Odyssey », l’œuvre est présentée successivement sous les noms « How the Solar System Was Won » et « Journey Beyond The Stars » et les autres titres envisagés étaient « Universe », « Tunnel to the Stars » et « Planetfall ».
Finalement, le long-métrage sort quelques mois avant le roman. Si Arthur C. Clarke est crédité au scénario du film avec Kubrick, le réalisateur ne l’est pas pour le roman. Cependant, il s’agit bien d’une œuvre commune, le scénario du long-métrage et le roman ont été écrits conjointement par Clarke et Kubrick. Plusieurs passages du roman ont été retravaillés après visionnage des rushes quotidiens du film, et inversement, le scénario a repris certaines idées tardives du roman.
Toutefois, il demeure plusieurs différences entre le film et le roman. Sans toutes les citées, si le monolithe est décrit comme transparent dans le roman, il est noir pour les besoins du film car un rendu transparent posait plusieurs difficultés techniques. Et alors que la destination du vaisseau spatial est la planète Jupiter, dans le roman il s’agit de Japet, un satellite de Saturne.
Arthur C. Clarke a donné trois suites à 2001 : L’Odyssée de l’Espace : 2010 : Odyssée Deux (1982), 2061 : Odyssée Trois (1988) et 3001 : l’Odyssée Finale (1997). A noter que ses suites respectent les évènements décrits dans le film de Stanley Kubrick.
De quoi parle 2001 : L’Odyssée de l’Espace
L’intrigue de 2001 : L’Odyssée de l’Espace peut se résumer comme une histoire d’évolution. A l’aube de l’humanité, une entité a donné un coup de pouce à l’évolution en plaçant un monolithe sur la Terre. De part leur interaction avec le monolithe, les hominidés développent l’intelligence avec le premier outil.
L’évolution permet ensuite à l’humanité d’atteindre la surface de la lune où se trouve un autre monolithe qui communique vers Jupiter. Il s’agit d’un signal pour avertir ceux qui l’ont placé que l’humanité a évolué jusqu’ici. Une expédition est envoyée vers Jupiter dans l’espoir de trouver la source.
En 2001, le Discovery One et son équipage, les capitaines Dave Bowman et Frank Poole, ainsi que leur ordinateur de bord, HAL 9000, doivent découvrir quelle force extraterrestre observe la Terre.
Une œuvre intemporelle
Cinq décennies après sa sortie, « 2001 : L’Odyssée de l’Espace » reste le plus grand film de science-fiction jamais réalisé. Si l’œuvre de Stanley Kubrick pourrait dérouter les nouvelles générations de spectateurs, notamment par le très peu de dialogue entre les personnages et par la présence de musique classique tout le long, nous ne pouvons que les encourager à vivre cette expérience sensorielle qu’est l’œuvre de Kubrick.
Avec « 2001 », Kubrick a plié le game du film de science-fiction. Pour mener à bien son projet, le réalisateur s’est entouré d’une pléiade d’experts. Des spécialistes des effets spéciaux, des membres de l’industrie spatiale, des experts en biostase, en astronautique, paléontologie etc. le réalisateur a nourri son œuvre de tous ses échanges avec les scientifiques et divers auteurs de science-fiction.
Sorti en 1968, le film surprend encore aujourd’hui par son exactitude scientifique et ses effets spéciaux novateurs. « 2001 » est un film influent, plusieurs œuvres de science-fiction n’hésitent pas à faire des rappels à l’histoire de Kubrick et Clarke. Citons Alien, Star Wars, Demoliton Man, Apollo 13, Wall-E, Tron : Legacy, Oblivion, Interstellar, Les Simpson, les bandes-dessinées Marvel, la série de jeux Metal Gear ou encore Dead Space. Que ce soit par la mise en scène, des références esthétiques ou des références aux personnages, les rappels à « 2001 » sont légions dans la pop culture.
Très rapidement considéré comme l’un des plus grands et des plus influents films jamais réalisés, le film de Stanley Kubrick a fait l’objet d’une suite, injustement boudé par le public à cause de l’aura intemporelle de son ainé.
2010 : Odyssée Deux
En 1980, Arthur C. Clarke planche sur la suite de son roman de 1968. Intitulé « 2010 : Odyssey Two », le roman intéresse rapidement la Metro-Goldwyn-Mayer pour une adaptation cinématographique.
Alors que Stanley Kubrick n’est pas intéressé par la direction, Peter Hyams – Timecop (1994), Relic (1997), La Fin des Temps (1999) – souhaite adapter l’histoire au cinéma. Hyams contacte Stanley Kubrick et Arthur C. Clarke afin d’obtenir leur bénédiction.
Dans Stanley Kubrick : A Biography (1997) de Vencent LoBrutto, Peter Hyams confie :
« J’ai eu une longue conversation avec Stanley et je lui ai dit ce qui se passait. S’il était d’accord, je ferais le film, sinon, je ne le ferais pas. Je n’aurais certainement pas pensé à faire ce film si je n’avais pas eu la bénédiction de Kubrick. C’est l’une de mes idoles, tout simplement l’un des plus grands talents qui aient jamais marché sur la Terre. Il m’a plus ou moins dit : « Bien sûr, fais-le. Je m’en fous. Et une autre fois, il a dit : « N’aie pas peur. Va juste faire ton propre film. »
Durant toute l’année de 1983, Peter Hyams et Arthur C. Clarke vont communiquer à distance via des moyens de communication électronique pour élaborer le scénario du long-métrage. Le tournage débute en février 1984 dans les les studios de la MGM à Culver City, en Californie – avec quelques prises extérieur à Washington, D.C. – et s’étale sur 71 jours.
De quoi parle 2010 : L’Année du Premier Contact ?
Lors de l’écriture du roman, Arthur C. Clarke a modifié plusieurs éléments de l’histoire afin de s’aligner sur la version cinématographique de « 2001 ». C’est pourquoi « 2010 : L’Année du Premier Contact » s’inscrit véritablement comme la suite du film de Stanley Kubrick.
Si l’adaptation au cinéma fait plusieurs choix créatifs avec l’absence de certains éléments du roman ou encore le changement de genre de certains personnages, « 2010 » est bien la suite de « 2001 ».
L’histoire se déroule neuf ans après l’échec de la mission Discovery One vers Jupiter et l’intrigue est centrée sur une mission conjointe soviéto-américaine à bord du vaisseau spatial soviétique. Rappelons que lors de l’élaboration de l’histoire, nous étions en pleine guerre froide, la tension entre les deux blocs est donc palpable. La mission a plusieurs objectifs, dont la récupération du vaisseau Discovery et l’étude du mystérieux « monolithe » découvert par Dave Bowman dans 2001 : L’Odyssée de l’Espace.
Le casting se compose de Roy Scheider, qui succède à William Sylvester pour le rôle du Pr Heywood R. Floyd aux côtés de John Lithgow (Dr Walter Curnow), Helen Mirren (Tanya Kirbuk), Bob Balaban (Dr R. Chandra), Keir Dullea qui reprend son rôle de Dave Bowman et Mary Jo Deschanel – la mère des actrices Emily et Zooey Deschanel – dans le rôle de la veuve de Bowman, Betty Fernandez.
Mon Dieu, c’est plein d’étoiles !
A sa sortie, « 2010 : L’Année du Premier Contact » convainc les critiques. Bien que le long-métrage de Peter Hyams n’offre pas la même expérience sensorielle que « 2001 » et qu’il n’a pas la poésie et le mystère du film de Kubrick, il poursuit l’histoire et offre des explications aux nombreuses interrogations de « 2001 ».
Nous découvrons que l’ordre de dissimulation du véritable objectif de la mission de « 2001 » à l’équipage du Discovery a causé le dysfonctionnement de Hal 9000. Dave Bowman est devenu un être de pure énergie, l’étape suivante de l’évolution, il se manifeste à plusieurs reprises dans le long-métrage, notamment dans une succession de ses diverses incarnations, l’astronaute, le vieillard, l’homme agonisant et le fœtus.
A l’instar de Kubrick, Peter Hyams apporte une attention particulière sur le réalisme. Bien qu’une explosion dans l’espace se fasse entendre dans le film d’Hyams – ce qui était inhérent aux films de l’époque – le film surprend par son imagerie et ses trucages numériques.
Le réalisateur s’est entouré de plusieurs experts de l’industrie comme le designer industriel et concepteur néofuturiste américain Syd Mead (Blade Runner, Tron, Aliens) ou encore le spécialiste des effets spéciaux Richard Edlund (Star Wars, Les Aventuriers de l’arche perdue, SOS Fantômes).
Avec les années, « 2010 : L’Année du Premier Contact » est devenu un film méconnu plutôt que décrié. Si 2001 : L’Odyssée de l’Espace demeure un chef-d’œuvre de la science-fiction, le long-métrage de Peter Hyams poursuit son histoire sans le ruiner. En faisant abstraction des comparaisons qui n’ont pas lieu d’être, « 2010 » est un space-opera satisfaisant et passionnant qui mérite d’être vu et réévalué.
Odyssée Trois et L’Odyssée Finale
2061 : Odyssée Trois (1988) et 3001 : l’Odyssée Finale (1997) sont les deux derniers romans de la série de science-fiction les Odyssées de l’Espace.
Sans rentrer dans les détails de l’histoire, « 2061 » se déroule 60 ans après les événements de 2001 : A Space Odyssey. À la fin de « 2010 », les êtres supérieurs qui ont construit le Monolithe ont transformé la planète Jupiter en un mini-soleil, nommé Lucifer, afin de favoriser l’évolution de la vie les lunes de Jupiter (Io, Europe, Ganymède et Callisto). Dave Bowman, par l’intermédiaire de Hal 9000, prévient également l’humanité de ne pas venir sur Europe. Le Dr Heywood Floyd, âgé de 103, et son petit fils, Chris II, sont au cœur de l’intrigue. En résumé, il s’agit d’une mission de secoure après que le vaisseau Galaxy s’est crashé sur Europe. Un second Heywood Floyd apparait, une copie désincarnée de pure conscience crée par le Monoltihe.
« 3001 » lève le voile sur les créateurs du Monolithe, les Premiers-nés. Ils ont catalysé l’évolution des espèces intelligentes partout où ils sont allés. Ils ont trouvé le moyen de s’imprimer dans le tissu de l’espace et du temps pour devenir des immortels. Le roman met en scène Frank Poole, l’astronaute tué par l’ordinateur HAL 9000 dans le premier opus, dont le corps a été retrouvé a proximité de la ceinture de Kuiper. La technologie a permis de le ressusciter. En 3001, la technologie a fortement évolué sur Terre, notamment grâce aux diamants de Jupiter.
Poole découvre le BrainCap, une technologie d’interface cerveau-ordinateur, des serviteurs dinosaures génétiquement modifiés et quatre gigantesques ascenseurs spatiaux répartis régulièrement autour de l’équateur. Après avoir vécu quelques temps sur Terre, Poole part sur Europe. Quant à David Bowman et de l’ordinateur HAL 9000, ils sont maintenant une seule entité, Halman, qui réside comme une forme de vie numérisée dans la matrice informatique du Monolithe.
Dans les grandes, quand le Monolithe reçoit l’ordre d’exterminer l’humanité, les scientifiques, Poole et Halman parviennent à mettre au point un virus afin de contrer la menace. Nous découvrons que les créateurs des Monolithes réagiront au plus tôt dans 900 ans. L’histoire se termine avec Poole et d’autres humains qui entament des relations pacifiques avec les résidents d’Europe.
Plusieurs adaptations
Depuis les publications des deux derniers romans d’Arthur C. Clarke, plusieurs projets adaptations ne se sont jamais concrétisés.
En 2000, Tom Hanks était en pourparlers avec la MGM pour porter à l’écran « 2061 » et « 3001 », le comédien devait également interpréter Frank Poole dans le second. Finalement, le projet est stoppé en 2001.
Une minisérie sur « 3001 » est annoncée en 2014 avec à la production Ridley Scott, David W. Zucker et Stuart Beattie, ce dernier étant crédité comme showrunner. En 2016, Syfy annonce dans un communiqué que la série est en développement avec Scott Free Productions de Ridley Scott. Depuis, le projet semble être au point mort.
Avec la multiplication des plateformes de streaming et les adaptations de grandes œuvres de science-fiction, notamment avec la série Foundation d’Apple TV+ et les films Dune de Denis Villeneuve ainsi que que la série Dune : The Sisterhood, les deux derniers romans de la saga des « Odyssées de l’Espace » pourraient être dans les cartons à Hollywood.
Denis Villeneuve prépare également une adaptation du roman de science-fiction « Rendezvous with Rama » d’Arthur C. Clarke pour Alcon Entertainment. L’histoire se déroule en 2130 et met en scène un vaisseau extraterrestre cylindrique de 50 km sur 20 km qui pénètre dans le système solaire. Un groupe d’explorateurs humains partent explorer le vaisseau pour tenter de percer ses mystères.
C’est pourquoi il ne serait pas surprenant que les adaptations de 2061 : Odyssée Trois et 3001 : l’Odyssée Finale soient prochainement annoncées. D’ici là vous pouvez vous replonger dans l’univers d’Arthur C. Clarke en redécouvrant / découvrant les films de Stanley Kubrick et de Peter Hyams.